Observatoire européen de l'infidélité féminine
« Pêché » condamné par la plupart des religions, encore passible de lapidation dans plusieurs pays, l'infidélité féminine a toujours suscité un sentiment d'opprobre social plus fort que l'infidélité masculine au point qu'elle a été pendant longtemps sanctionnée plus sévèrement que l'adultère masculin (Code civil). A l'heure où #Metoo fait évoluer les représentations du couple et de la sexualité, l'Ifop a mené pour Gleeden une grande enquête pour faire le point sur une pratique qui constitue incontestablement une transgression des préceptes moraux pesant traditionnellement sur la sexualité féminine.
A l'occasion de son dixième anniversaire, Gleeden.com a en effet souhaité en savoir plus sur la manière dont l'infidélité est aujourd'hui perçue, pratiquée et vécue en France et dans les principaux pays européens chez celles qui constituent le cœur de cible du premier site de rencontres extraconjugales pensé par des femmes. Réalisée auprès d'un échantillon national représentatif de 5 000 Européennes (dont 1 000 Françaises), cette enquête fournit ainsi des données fiables permettant de dresser à la fois la carte de l'infidélité féminine en Europe mais aussi le profil type de la femme infidèle et par extension, celui des hommes ayant le plus de chances d'être trompés...
Pas d'embargo - diffusion immédiate
POUR CITER CETTE ETUDE , IL FAUT UTILISER A MINIMA LA FORMULATION SUIVANTE :
« Étude Ifop pour Gleeden.com réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 15 avril 2019 auprès d'un échantillon de 5 026 femmes, représentatif de la population féminine âgée de 18 ans et plus résidant en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni. »
1) Malgré le mouvement #Meeto et la prise de conscience de plus en plus grande des inégalités hommes/femmes en matière de sexualité, l'infidélité féminine fait toujours l'objet d'un sentiment d'opprobre social plus fort que l'infidélité masculine
- En France comme dans les autres pays européens, environ les trois quarts des femmes déclarent que leurs proches sont généralement plus choqués quand c'est la femme qui est infidèle (à 76% à l'échelle européenne, à 77% en France) que quand c'est l'homme qui trompe sa partenaire (24% à l'échelle européenne, 23% en France).
- En dépit du déclin du discours moral répressif sur l'adultère et de la liberté sexuelle croissante des femmes, la population féminine semble donc avoir toujours intériorisé la norme selon laquelle les femmes risquent toujours plus de stigmatisation sociale que les hommes lorsqu'elles ont des relations en dehors du cadre conjugal. Il faut sans doute y voir les effets d'un conditionnement de genre qui tend à rendre illégitime la sexualité féminine lorsqu'elle ne s'inscrit pas dans un cadre conjugal ou affectif stable.
- Ce jugement plus sévère de l'adultère féminin transparaît également lorsqu'on demande aux Européennes si elles sont plus choquées en apprenant que c'est l'homme ou que c'est la femme qui a trompé l'autre dans différentes situations. Ainsi, dans leur ensemble, les répondantes à l'enquête admettent par exemple être sensiblement plus choquées par une infidélité féminine lorsque le couple attend un enfant (55%) ou lorsqu'il est séparé pendant plusieurs mois (55%) même si, sur ce point, Françaises et Allemandes se distinguent par un jugement systématiquement plus sévère à l'égard des comportements extraconjugaux masculins, notamment par rapport à leurs consœurs méditerranéennes.
2) L'infidélité féminine : un comportement en hausse continue mais qui reste toujours en-deçà de l'infidélité masculine
Au regard des risques d'opprobre social qui pèsent plus fortement sur les « écarts de conduite » féminins que masculins, cet observatoire montre toujours une forte asymétrie entre les deux sexes en matière d'extra-conjugalité en dépit d'une progression du nombre de femmes admettant avoir déjà transgressé le principe d'exclusivité sexuelle dans une relation de couple.
- En 2019, elles sont en effet plus d'une sur trois (37%) à admettre avoir déjà fait l'amour avec une autre personne que celle avec laquelle elles étaient en couple, soit une proportion qui a progressé de manière continue au cours des 50 dernières années, passant de 10% en 1970, à 24% en 2001 puis à 32% dans la précédente enquête menée par Gleeden en 2014.
- Malgré cet essor significatif de l'infidélité féminine - en particulier en France où elle a progressé de 5 points en cinq ans et de 13 points en 20 ans -, l'expérience de l'infidélité sexuelle chez les femmes n'en reste pas moins nettement inférieure à ce que l'IFOP a pu observer chez les hommes lors de précédentes enquêtes : 20 points d'écarts avec les hommes en Espagne (30%, contre 50% chez les hommes), 22 points en Italie (33%, contre 55% chez les hommes), 8 points en France (45%, contre 37% chez les hommes), 9 points au Royaume-Uni (42%, contre 33% chez les hommes) et 3 points en Allemagne (43%, contre 46% chez les hommes).
- La persistance de ce clivage entre les deux sexes est avant tout le produit d'une socialisation sexuelle très genrée au travers de laquelle la plus grande « romantisation » de la sexualité féminine empêche les femmes de dissocier aussi facilement que les hommes sexualité, affectivité et conjugalité. Le fait que l'écart avec les hommes soit plus grand dans les pays méditerranéens est sans doute le signe que ce clivage est aussi la conséquence d'un plus grand contrôle social sur les comportements sexuels des femmes. Enfin, il faut aussi intégrer le fait qu'au fil des années, on observe souvent un plus fort désinvestissement des femmes dans la sexualité - liée notamment à la parentalité et à l'inégale répartition des tâches domestiques - qui peut accroître les différences entre désir féminin et masculin.
3) Des écarts de conduite qui ne se limitent pas qu'à des expériences lointaines ou de jeunesse
Pour rebondir sur ce point, il est intéressant de noter à quel point l'inégale prise en charge des tâches ménagères et plus largement les divers signes de défaillances de la vie de couple semblent inciter à aller voir ailleurs, notamment lorsqu'on observe uniquement les comportements des femmes actuellement en relation de couple.
- Au total, la proportion de femmes en couple ayant déjà couché avec quelqu'un d'autre que leur partenaire actuel apparait aussi forte en France (14%) que chez ses voisins (15%) tout en progressant de manière significative par rapport à 2014 (+4 points).
Mais le plus intéressant à relever est la nature des facteurs contribuant le plus à l'infidélité :
- Le capital physique et esthétique de la femme apparaît comme la variable la plus importante au regard de la proportion beaucoup plus élevée de femmes infidèles dans les rangs des femmes ayant un indice de masse corporelle inférieur à la normale (24%), se trouvant « très jolie » (27%) ou s'estimant plus belle que leur conjoint (22%) ;
- L'insatisfaction sentimentale et sexuelle constitue l'autre facteur déterminant si l'on en juge par la proportion élevée de femmes infidèles parmi les femmes insatisfaites de leur vie sentimentale (21%) - notamment chez celles ayant pas ou peu d'affection pour leur conjoint (24%) - et de leur vie sexuelle (22%), sachant qu'elle est deux fois moins forte chez les femmes jugeant leur partenaire très attentif à leur plaisir (13%) que chez celles qui trouvent qu'il n'est pas attentif (20%) ;
- Le capital social et culturel influe aussi avec des taux plus élevés parmi les femmes les plus diplômées (16%) ou les plus élevés dans la hiérarchie sociale : 19% parmi les classes supérieures, soit deux fois plus que dans les classes populaires (10%)
- Cette plus forte prévalence chez les CSP+ tient non seulement au fait que la respectabilité sociale les rend moins sensibles aux effets de réputation mais aussi aux opportunités de rencontre que leur offre leur milieu social ou professionnel : ce dernier impliquant une forte mobilité ou des rencontres fréquentes qui favorisent généralement un renouvellement des partenaires plus élevé que lorsque le milieu professionnel présente peu de possibilités de rencontre (ex : ouvrières à la chaîne)
- Le lieu de résidence apparaît également comme un facteur favorisant la fidélité au regard de la proportion plus élevé de femmes infidèles chez les Françaises vivant dans les centres-villes des grandes agglomérations (20%) que celles vivant en milieu rural (10%).
- Il est vrai qu'en offrant nombre de possibilités de rencontre tout en garantissant à la fois un certain anonymat et une grande liberté d'action, la grande ville constitue le terreau idéal pour les adeptes de l'infidélité. Mais ce niveau d'extra-conjugalité s'explique aussi par la sociologie de la population des grandes villes, caractérisée par une surreprésentation des personnes qui, cumulant capitaux culturels, ressources économiques et forte sociabilité professionnelle, sont aussi les plus soumises à la tentation de l'extra-conjugalité.
- Enfin, à l'heure de la prise de conscience croissante de la charge mentale au sein des couples, il est intéressant de noter que les Françaises ont trompent d'autant plus leur conjoint quand ce dernier ne participe pas aux tâches ménagères : la proportion d'infidèles étant trois fois plus élevée chez les Françaises en faisant beaucoup plus que leurs partenaires (17%) que chez celles en faisant moins que leur conjoint (10%).
Pour résumé, ces données permettent de dresser le profil type de la Française infidèle : il s'agit avant tout d'une femme dotée d'un certain capital esthétique, social et culturel, évoluant plutôt en milieu urbain et pour laquelle les aventures extra-conjugales constituent un substitut à une vie de couple défaillante sur le plan sentimental et/ou sexuel.
4) L'infidélité féminine : un phénomène à multi-facettes qui ne se limite pas qu'au sexe
Au regard des risques d'opprobre social qui pèsent plus fortement sur les « écarts de conduite » féminins que masculins, l'extra-conjugalité féminine reste non seulement un phénomène moins répandu que chez les hommes mais aussi un comportement très protéiforme où l'infidélité est loin de se réduire à des contacts physiques ou sexuels.
- En effet, en France comme ailleurs, l'infidélité féminine reste avant tout d'ordre fantasmatique : une femme sur deux admet avoir déjà fait l'expérience d'une forme d'infidélité « psychique »(50% parmi l'ensemble des Européennes interrogées, 52% chez les Françaises) comme par exemple avoir rêvé de faire l'amour avec une autre personne que son conjoint (46% chez les Européennes comme chez les Françaises) ou avoir fait l'amour avec lui en pensant à un autre (respectivement 29 et 27%).
La proportion de Françaises à admettre s'être déjà masturbées en pensant par exemple à un « ex » est quant à elle en-deçà (20%) de ce que l'on peut observer chez l'ensemble des européennes interrogées (24%), ce qui tient peut-être au fait que l'onanisme féminin y est moins répondu d'ailleurs.
- A titre de comparaison, elles sont un peu plus d'une sur trois (36% parmi l'ensemble des Européennes interrogées, 35% chez les Françaises) à admettre s'être déjà livrées à une des formes d'infidélité « physique » comme le fait d'avoir échangé un baiser sans aller plus loin (31% en Europe, 27% en France) ou lécher ou sucer le sexe de quelqu'un sans aller plus loin. Cette dernière expérience est globalement rare sauf en Grande-Bretagne (21%) où il est vrai que les pratiques bucco-génitales sont généralement plus répandues que dans les pays latins.
- Ainsi, si la transgression du principe d'exclusivité sexuelle entre partenaires reste une pratique minoritaire dans la population féminine européenne, ce n'est pas forcément le cas d'autres formes d'infidélité parmi lesquelles certaines prennent un aspect purement virtuelle via les réseaux sociaux ou les nouveaux moyens de communication, en particulier chez les jeunes : 51% des jeunes de moins de 25 ans se sont ainsi déjà livrés à une forme d'infidélité « virtuelle » telles que le fait de suivre régulièrement le compte d'un ex sur les réseaux sociaux (45%), échanger des messages ambigus (37%) ou encore s'exciter mutuellement avec une autre personne (25%) via ce type d´outil.
5) Attirance physique et sexuelle... En matière d'infidélité, les femmes sont des hommes comme les autres
- Pour quelles raisons les femmes ont trompé leur partenaire ? Les réponses à cette question mettent en avant un motif - l'attirance physique ou sexuelle pour un potentiel amant - qui met clairement en lumière la part purement individuelle et compulsive de leur sexualité : une Française sur deux (52%) explique sa dernière incartade par son attirance physique ou sexuelle pour la personne avec laquelle elle a couché, signe que l'infidélité féminine ne constitue pas uniquement une réponse à des problèmes au sein de couple.
Les sentiments pour cette personne font d'ailleurs jeu égal (41%) avec un motif plus endogène que peut être le manque d'attentions de son conjoint (43%). La proportion de femmes expliquant leur aventure extra-conjugale comme une réponse à une infidélité masculine est quant à elle marginale (15 en Europe, 18% en France).
- En d'autres termes, la plupart des femmes qui ont déjà trompé leur partenaire mettent en avant un facteur exogène à leur couple et pas seulement leurs difficultés conjugales. En cela, cette enquête bat quelque peu en brèche les idées reçues selon lesquelles les hommes tromperaient avant tout pour assouvir leurs pulsions sexuelles et les femmes par un manque d'attention du conjoint : les Européennes assument également trouver un amant pour assouvir leurs pulsions sexuelles...
6) L'infidélité féminine : un comportement décomplexé qui peut parfois être à la source d'un nouveau couple
Les résultats montrent que la transgression du principe de fidélité ne suscite qu'un sentiment de culpabilité limité : seul un tiers des Européennes regrettent d'avoir trompé leurs conjoints présents ou passés (36%), sachant que sur ce point, les Britanniques se distinguent du reste de l'Europe avec une proportion de personnes regrettant leurs actes (48%) beaucoup plus élevée que ce qu'on peut observer dans des pays latins comme la France (30%) ou l'Italie (30%).
Ce rapport quelque peu décomplexé à l'infidélité tient sans doute au fait que pour nombre de femmes, leur expérience extra-conjugale ne s'est pas limitée à une simple aventure sexuelle. Près de quatre Européennes sur dix (39%) - et une Française sur quatre (26%) - expliquent ainsi que leur amant s'est déjà transformé en un partenaire officiel.
- En cela, l'infidélité ne peut pas être perçue que comme une expérience uniquement motivée par la recherche du plaisir : elle peut aussi constituer une période transitoire visant au renouvellement du partenaire ayant vocation à avoir sa place dans un cadre relationnel stable. Plus largement, le fait qu'une part non négligeable d'expériences extraconjugales débouche sur un nouveau couple montre paradoxalement la force du couple et des attentes à l'égard du cadre conjugal : les femmes, au lieu d'en faire leur deuil, préférant tenter une nouvelle expérience.
Le point de vue de François Kraus de l'Ifop
Au regard de l'opprobre social qui pèse plus fortement sur les « écarts de conduite » féminins que masculins, force est de constater que le cliché du mâle plus volage que sa femme reste bien réel, en particulier dans des pays latins comme l'Espagne ou l'Italie : la France se situant sur ce point dans une position intermédiaire. Car en dépit d'une progression du nombre d'Européennes et notamment de Françaises ayant déjà « trompé » leur conjoint, le rapport à l'adultère reste très genré : l'aventure extra-conjugale constituant toujours une alternative au couple monogame beaucoup moins « aisée » pour elles que pour les hommes.
En cela, à nos yeux, l'infidélité féminine constitue en Europe un symbole parmi d'autres de la conquête de l'indépendance sexuelle des femmes en montrant notamment qu'elle peut être tout comme pour les hommes un moyen d'assouvir la part purement individuelle et compulsive de leur sexualité. En révélant notamment qu'une infidélité motivée uniquement par la recherche du plaisir n'est pas l'apanage des hommes, cette enquête a en effet le mérite de mettre en lumière l'adoption par les femmes d'une approche de plus en plus hédoniste de la sexualité, en rupture avec les normes culturelles tendant à restreindre leur activité sexuelle au seul cadre légitime du couple.
François KRAUS, directeur du pôle « Genre, sexualités et santé sexuelle » à l'Ifop
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire